La France a la réputation d’être un pays où il fait bon vivre mais la dernière étude Gallup (2017) sur la participation des salariés laisse à penser qu’il n’y fait pas bon travailler. Seulement 9 % des salariés seraient engagés contre les deux tiers qui, eux, seraient désengagés et viendraient au travail en traînant les pieds pour exécuter les ordres et gagner leur pain.

Depuis les années 2010, les notions de burnout et de souffrance au travail ont fait leur apparition tout comme celle des risques psycho-sociaux. Les vagues de suicides chez France Telecom restent ancrées dans les mémoires comme la résultante d’une course effrénée au profit qui oublie que la valeur est aussi créée par des hommes et des femmes.

Que se passe t’il donc dans le monde du travail ? Tenter de répondre à cette question, c’est effectuer une plongée abyssale dans un monde d’une grande complexité. Cela dit, il pourrait être tenté de proposer quelques pistes.

Le modèle dominant des organisations actuelles est inspiré de propositions datant de la fin du 19ème siècle. Fordisme et taylorisme structurent encore les modes de penser le travail avec une recherche d’optimisation qui passe par l’hyperspécialisation. Les entreprises sont encore souvent pensées comme de grosses machines avec un fonctionnement linéaire : ce qui y rentre subit un processus connu et maîtrisé, ce qui en sort est prévu et sous contrôle. Seulement voilà, le monde vivant n’est pas une machine et la vie des organisations ne peut pas rentrer dans des tableaux excel ou des processus dessinés sur powerpoint.

L’entrée dans l’ère digitale, dans l’ère de l’anthropocène et l’accélération globale des flux viennent percuter avec violence ces modèles bien installés et proposent, imposent des mutations totalement inédites. Quant à la financiarisation de l’économie particulièrement active depuis les années 2000, elle ne fait que renforcer la captation de richesses et priver petit à petit les « travailleurs » du sens de leur travail.

Alors que faire ? Le capitalisme a toujours suscité la proposition et l’expérimentation d’alternatives. Dans l’impossibilité d’être exhaustif, il reste possible d’en nommer deux. La première, l’économie sociale et solidaire, est venu questionner le rapport au profit et au capital. La deuxième se reconnaît dans les termes d’ « entreprise libérée », « entreprise à responsabilité augmentée », « entreprise démocratisée », … dont le modèle est fondé sur l’individu et son rapport au collectif. Le rapport au profit et au capital n’est ici pas un sujet. Si la première est apparue dès le 19ème siècle, la deuxième a accru sa popularité à partir de 2012, année de parution en français du livre Liberté et Cie d’Isaac Getz et Brian M. Carney. Il est donc encore trop tôt pour évaluer ses effets. Est-ce une énième mode managériale comme le lean management, par exemple ? Le mouvement semble plus profond tant le mal-être au travail et l’accélération globale imposent aux entreprises de requestionner leur modèle. Mais jusqu’où oseront-elles aller ?