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En 2012 est publié en France le livre Liberté et Cie d’Isaac Getz et Brian M. Carney. En 2015, la publication de Reinventing Organizations de Frédéric Laloux et la diffusion du documentaire « Le bonheur au travail » viennent renforcer l’intérêt pour ces nouvelles thèses démontrant qu’il est plus performant pour une entreprise de faire confiance à ses collaborateurs et de donner aux personnes « qui font » le pouvoir de prendre des initiatives et des décisions sur leur travail. En outre, la qualité de vie au travail s’en trouve significativement augmentée. Depuis, notre vocabulaire s’est enrichi puisque l’on parle maintenant du mouvement des entreprises libérés, des leaders libérateurs. Ce ne sont pas là les premières tentatives de penser le management et les organisations autrement. Tom Peters, consultant chez Mc Kinsey, publiait déjà en 1993 « L’entreprise libérée, liberation management » et inscrivait très clairement dans son livre « Le prix de l’excellence », l’autonomie et l’esprit novateur comme l’un des huit attributs qui caractérisent les meilleurs entreprises.

Que nous disent les auteurs plus récents ? Frédéric Laloux a étudié des entreprises performantes qui ont imaginé et mis en œuvre, chacune de leur côté, un mode de management innovant. Il a décelé trois grands points communs entre elles qu’il a dégagés comme étant des principes structurants. Le premier d’entre eux est l’absence de hiérarchie de pouvoir. Ceci n’implique nullement que tous les employés sont égaux, se serait illusoire. Mais chacun apporte de la valeur et ce qui compte, ce n’est pas le pouvoir sur une autre personne ou un groupe de personnes mais bien le pouvoir de proposer, faire, décider. Le deuxième concerne les formes de communications, de réunion qui sont mises en place. Il s’agit là de permettre à chacun de rester et être pleinement lui-même, même au travail, afin qu’il puisse y exprimer tous ses talents.

Pourquoi devrait-on, en effet, laisser, à la porte de l’entreprise ses talents de gestionnaire de projet, de coordinateur, d’organisation pratiqué au quotidien dans la famille ou encore les associations auxquelles on participe ? Le troisième principe est plus difficile à appréhender. Il s’agit d’intégrer que la raison d’être d’une organisation est évolutive. L’entreprise est considérée comme un être vivant qui apporte quelque chose de spécifique et unique au monde. Seulement ce « quelque chose » n’est pas livré, il faut le découvrir, en affiner sa connaissance, au fur et à mesure que l’on agit : les repositionnements, ajustements, font donc partie du développement de l’organisation. Et s’ajuster, évidemment, n’est pas compatible avec un mode de gestion fondé sur « planifier et contrôler ». Les entreprises et les hommes qui les composent sont donc invités à développer leur capacité à ressentir et ajuster.

Isaac Getz, de son côté, s’adresse d’abord aux dirigeants et les invite au lâcher-prise. Certaines des aventures qu’il relate dans son ouvrage montre d’ailleurs des dirigeants qui ont décidé de partir en voyage ou de ne quasiment plus mettre les pieds dans leur entreprise pour s’adonner à leurs activités favorites. Se retirer pour laisser la place. Tous les attributs du pouvoir sont à supprimer pour instaurer un principe d’égalité intrinsèque ; voitures de fonction liée à la place dans l’organigramme, places de parking réservées, fenêtre dans les bureaux pour les managers alors que le reste des collaborateurs travaille dans des espaces fermés, etc. tout cela est à bannir. Enfin il faut arrêter de retenir l’information. Cette dernière doit circuler ; c’est fondamental pour que chaque collaborateur puisse prendre de bonnes décisions.

Si ces principes paraissent être de bon sens, leur mise en œuvre requiert une véritable mutation culturelle. Il n’est pas si simple d’accepter d’être mis pleinement en responsabilité de ce que l’on fait, décide. Sortir des mécanismes dominant/dominé dans lesquels la plupart s’inscrit depuis la plus tendre enfance n’est pas inné. Il s’agit d’un travail de déconstruction / reconstruction que chacun est invité à faire individuellement et vivre collectivement dans le monde du travail, au sein de l’entreprise, de l’organisation qui emploie, avec les collègues. Il n’est pas non plus facile de faire confiance pour de vrai et d’accepter le temps des courbes d’apprentissage lorsque l’on est manager ou dirigeant habité par l’idée de la compétitivité et de la performance.

Tout cela est donc une invitation à rendre les entreprises plus humaines pour être plus performantes durablement. Et si l’entreprise était regardée comme un lieu d’apprentissage, cela donne l’espoir d’une société plus humaine, plus responsable aussi vis à vis de l’environnement par exemple ; une belle alternative à la violence et l’irresponsabilité environnementale et sociale marqueurs de notre temps.